Au nom de la loi, tout ce qui ne vous appartenait pas vous appartient désormais, en l'état, en vrac, après le décès d'un proche.
Cette tâche vous incombe dès maintenant.
Ici nous parlerons d'un sujet pas forcément simple. Nous parlerons de l'héritage des objets, pas d'argent ni de l'histoire mais bien des objets que nous laissent nos proches après leur mort.
Vider la maison d'un proche disparu c'est accepter qu'il soit parti, qu'il ne reviendra plus dans ce lieu, qu'il n’utilisera plus ces objets, qu'il ne mettra plus ces vêtements. C'est pour cela que cette épreuve est si dure.
Cela doit souvent être fait dans l'urgence pour des questions financières. Vider le logement d'un proche alors qu'on est encore assommé par la nouvelle ou en pleine phase de déni, quoi de plus compliqué ?
J'ai voulu devenir home-organiser après avoir vidé la maison de ma mère, si je m’intéresse aux histoires de vide logement ce n'est donc pas sans raisons ni sans expériences.
En vidant la maison de ma mère j'ai régulièrement eu l'impression de faire des bêtises.
Que je n'avais pas le droit de toucher à ses affaires et que je ne devais me séparer de rien.
C'est très dur de passer outre ce sentiment.
D'ailleurs je fais encore ce cauchemar régulièrement :
Je suis soudainement avec ma mère et elle me regarde avec incompréhension et me dit :
"Tu as tout donné ? Tous mes vêtements ? Et mon ordinateur ? Tu as revendu ma coiffeuse ?! Mais j'adorais cette coiffeuse ! Et cette bague que tu portes, c'est la mienne !"
Et moi, je me confonds en excuses, je lui dis que je pensais qu'elle ne reviendrait pas et que je ne pouvais pas tout garder, que je n'avais pas la place.
"Oui mais maintenant je suis là ! Avec quoi je vais m'habiller ? Et ma maison ?!"
Un rêve peu agréable voir carrément traumatisant.
C'est ce sentiment qui m'a le plus compliqué la tâche, cette impression d’illégitimité.
Je n'ai jamais voulu avoir tout ça et je ne l'ai pas mérité. Tout ce que j'ai fait c'est exister, être la fille de ma mère.
Je n'ai pas l'impression d'avoir le droit de toucher à tout ça, d'ouvrir des tiroirs que je n'ai jamais ouverts, de tomber sur des papiers que je n'aurais jamais osé lire, de soudainement plonger dans l'intimité de quelqu'un qui ne peut plus ni se cacher ni se défendre.
Ce sentiment d’illégitimités complique un tri pourtant nécessaire.
À ce sentiment s'ajoute la trahison.
Comment oser se débarrasser d'objets qui ne nous appartiennent pas ?
Comment apprécier des objets que nous avons l'impression d'avoir "volé" ?
Comment choisir où vont aller tous ces objets ?
Peut-on récupérer un cadeau qu'on a fait ?
Et cet objet qu'il voulait absolument que j'aie, que faire s'il ne me plaît pas ?
Les souvenirs sont un autre problème majeur.
Chaque objet raconte une histoire, un morceau de vie.
Même cette tasse au fond du placard que personne ne prenait jamais, bah oui, c’était la tasse du fond du placard que personne ne prenait jamais, quel souvenir !
Le problème est que tout est souvenir, les objets, mais aussi leurs dispositions.
Comment oser toucher à la maison de quelqu'un de disparu ?
Tout est une preuve qu'elle y a vécue, qu'elle a choisi de mettre ce vase ici, ce tableau moche sur ce mur, ce bout de papier là, cette chaussette unique derrière la machine à laver... Enfin pas la chaussette mais c'est une preuve de sa maladresse, donc ça fait partie de l'histoire !
Ce que je veux dire par là c'est qu'il est souvent très compliqué de commencer.
Ce sont les premiers objets qui sont le plus dur de bouger.
Plus la maison se transforme, se vide, plus il est facile de vider car elle ressemble de moins en moins au souvenir.
Alors il est toujours possible d'avoir des moments compliqués, une soudaine impression de "mon Dieu mais qu'est-ce que j'ai fait à la maison de mes parents" et c'est bien normal.
Quelques conseils
Ne restez pas seul
Oui, ça parait bateau comme conseil, mais rien ne vous oblige à rester seul face à cette tâche.
Si vous êtes plusieurs à hériter du lieu, faites le ensemble ou au moins à tour de rôle.
Mais essayez d'avoir quelqu'un d’assez éloigné de la personne décédée avec vous, un ami par exemple, quelqu'un qui ne va pas vous culpabiliser de vouloir donner un objet et qui ne va pas vous ensevelir sous les souvenirs compliqués pendant que vous faites le tri.
Il vous faut quelqu'un de bienveillant mais aussi quelqu'un qui puisse vous remettre les pieds sur terre lorsque vous voulez absolument garder un stylo qui ne fonctionne plus, qui est moche et qui n'a aucune histoire outre celle d’être sur le bureau depuis 3 ans.
Vous pouvez aussi vous faire aider d'un professionnel de l’organisation qui saura par où commencer et comment vous accompagner au mieux dans ce tri et ce à votre rythme.
Oui c’était le moment auto promo. D'ailleurs, le lien vers mon service de vide logement ici.
Déculpabiliser
Plus facile à dire qu'à faire...
La phrase que je me suis souvent répétée est que ma mère ne voudrait pas que je m’encombre avec toutes ces questions et tous ces objets, et qu'elle voulait simplement que je sois heureuse.
À partir de là j'ai arrêté de me culpabiliser, ou tout du moins je l'ai fait moins souvent.
Ce n'est pas une trahison de trier les affaires d'un proche disparu, vous n'allez pas le faire disparaître une deuxième fois.
Choisir
On vous dira souvent : '"il faut tourner la page", moi, en tout cas, je l'ai souvent entendu.
Alors oui, effectivement, c'est un chapitre de votre vie qui se termine mais il ne faut pas le terminer n'importe comment.
Vous pouvez choisir de bien le faire, et de choisir ce que vous voulez en garder.
Transformer cet héritage pour vous l'approprier, pour que ça ne soit plus une épreuve mais une opportunité.
Garder uniquement ce que vous aimez, ce qui vous est utile pour votre vie actuelle.
Cela peut aussi être une opportunité pour les autres, Vous pouvez proposer à l'entourage de la personne décédée certains objets (et sans pression surtout, il ne s'agit pas d'encombrer et de culpabiliser d'autres personnes)
Vous pouvez ensuite trouver une seconde vie aux objets restants, revente, associations, dons, tout ce qui continuera de faire vivre ces objets et donc votre proche.
Hériter d'objet et devoir en faire le tri est un travail fatiguant physiquement et mentalement. Mais c'est un travail nécessaire qui s’avère salvateur, qui vous enlève un poids.
Si le sujet vous intéresse je vous conseille le livre de Lydia Flem "Comment j'ai vidé la maison de mes parents". Ce livre m'a beaucoup éclairé lorsque j'ai dû le faire moi-même et je me suis senti moins seule avec toutes ces émotions.
Voilà pour ce sujet que j'ai à peine effleuré et sur lequel je pense revenir régulièrement.
À bientôt !
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